L’auteur : Xavier Eman est chroniqueur de la revue Éléments et rédacteur en chef de la non moins fameuse revue Livr’arbitre. Il tient également un blog qui vaut sans aucun doute le détour. En effet, nous pouvons y trouver toutes sortes de textes, de styles, de genres comme il faut dire. De l’article qui traite l’actualité sous un angle différent, à la courte mais incisive réflexion personnelle, en passant par de brèves nouvelles, on y trouve une riche et bonne diversité (une fois n’est pas coutume) qui permet à chaque lecteur, averti ou amateur, d’y trouver son compte. Cela fait de lui un journaliste, indépendant donc, mais surtout un militant et un intellectuel qui nous montre que le rêve est possible dans la théorie et la pensée, que l’action n’exclue pas la réflexion et inversement. Si l’on parcourt chacun de ses textes, de ses articles, de ses écrits, on peut y piocher ça et là des idées, des histoires et de cruelles facéties. Derrière cette apparente légèreté, on peut y déchiffrer, parmi d’autres, un message qui revient sans cesse : nous devons militer et rêver, penser et agir, ne pas être ce que le monde appelle « raisonnable ». C’est cette voie que veut emprunter Xavier Eman, prenant la plume pour épée, épée acérée face à tous ceux qui, conformistes et tièdes, se bercent des illusions de petites gens sur leur vie. Ainsi, plus qu’une simple critique, constat amer et désabusé, Une fin du monde sans importance, ouvrage sur lequel nous nous arrêtons, est aussi et surtout un appel à se battre contre ce qui nous guette tous, ce qui pourrait nous valoir d’être vomis au soir de notre vie. S’il ne faut pas être trop morose avant de lire l’une de ses pages, Xavier Eman procure ce qu’il faut de pensée au petit lecteur, par une économie de mots, comme à celui qui, avide de lecture, trouvera une source inépuisable de réflexions au détour de phrases simples et profondes. En un mot, il fait de la synthèse, chose difficile à écrire, facile à lire.
L’œuvre : Recueil de chroniques parues dans la revue Éléments, et dans son blog A moy que chault, ( signifiant ” « je m’en fous » en ancien français) Une fin du monde sans importance, dépeint ici notre monde. Un monde neuf et désenchanté, sexualisé et vide d’amour, abondamment matériel et vide de sens. À travers des portraits typiques et piquants, Xavier Eman dresse des tableaux satiriques d’une partie de ceux que nous pouvons ou devons côtoyer, lorsque l’on ne se retrouve pas partiellement dans ses cruelles mais justes descriptions. On assiste ainsi à des scènes de ménages, des rendez-vous d’amis ou des dîners mondains, qui renvoient tantôt à la lecture d’un Houellebecq, par le cynisme et la glauque vision des autres et de soi-même, tantôt à l’écriture ironique et piquante des faits divers, par l’aspect anodin de ce qui est grave, par les réflexions métaphysiques traitées de façon insolente en quelques lignes ou en une courte réplique. Passant d’une situation à l’autre, d’un dégoût à un rejet, en frôlant parfois un profond mépris pour les différents protagonistes, on ne peut manquer de relever un humour persistant qui contraste harmonieusement avec la gravité des sujets évoqués. Si l’on ne s’arrête pas à la critique véhémente et aux hauts-le-cœur persistants à travers les lignes, on peut saisir quelque chose de moins léger et moins lourd à la fois. Un combat permanent entre le cynisme, mélange qui nous tord de rire autant qu’il nous rend maussade, et l’espérance, présente en filligrame, comme dans notre vie, tout au long de ce texte. Que ce soient les retours récurrents au réel d’un des acteurs principaux des chroniques (François), l’autoritaire et touchante humanité de Madame Suzanne, une patronne de café, ou la tendresse d’un petit pour son vieux grand père Michel, il nous est encore permis d’espérer. Non pas un monde meilleur grâce à une société civile plus juste, non pas grâce à des aspirations bourgeoises, qu’elles viennent de droite ou de gauche, dans un grossier mélange de tradition et de progrès venant d’outre-Atlantique. L’espérance est encore possible pour celui qui est encore capable de vouloir « lire, écrire, chanter et marcher sur Rome » et ceux qui pensent « qu’il faut rire et pas compter, rêver et pas admettre, aimer et pas négocier », au mépris de cette société aussi raisonnable que puritaine. Ainsi, dans des paragraphes courts et précis, certaines figures brillent dans l’amoncellement d’immondices criants de réalisme, donnant à ce texte, très accessible par la lecture, une portée plus puissante qu’il n’y paraît.
Un condensé d’humour noir qu’il vous est possible de vous procurer sur le site de la revue Éléments, excellente idée de cadeau pour les fêtes qui arrivent, à la portée et destination de tous, de votre beau-frère qui tire à gauche à votre cousin qui lit les revues les plus outrancières de droite, comme le figaro ou pire encore. D’autant plus que le tome deux est sorti il y a peu.
Pour vous procurer l’ouvrage :
Volume 1 : https://www.revue-elements.com/produit/une-fin-du-monde-sans-importance/
Volume 2 : https://www.revue-elements.com/produit/une-fin-du-monde-sans-importance-vol-2/