ALVARIUM

L’auteur : Arthur Koestler est né en 1905 dans une famille juive hongroise de langue allemande. Jeune homme brillant et touche-à-tout, il étudie l’ingénierie à l’école polytechnique de Vienne tout en suivant à l’université une formation en littérature et en philosophie. C’est à cette époque qu’il se familiarise avec le judaïsme et fait ses premiers pas en politique. Membre du Parti Sioniste Révisionniste (nationaliste, anticommuniste et radical), il est également cofondateur du Betar et donc partisan d’un sionisme guerrier et de la création d’une « muraille d’acier » pour défendre le peuple juif.

En 1926 il abandonne ses études et part en Palestine comme pionnier dans une petite communauté juive. Goûtant peu les travaux de la terre, il s’oriente vers le journalisme et crée une revue en hébreu ainsi qu’une ligue des droits civiques fournissant une assistance judiciaire aux juifs.

A partir de 1931, il entre clandestinement au Parti Communiste allemand et devient agent du Komintern. Il fera pour cette raison plusieurs voyages en URSS. Lorsqu’Hitler arrive au pouvoir en 1933, Arthur Koestler s’installe à Paris ou il continue à oeuvrer pour le communisme en mettant sa plume au service du Parti. Quand éclate la guerre d’Espagne, il se fait reporter de guerre pour un journal anglais et manquera de peu d’être fusillé par les franquistes suite à sa capture. De cet épisode carcéral il écrira un livre, Un testament espagnol, qui sera un succès et fut traduit en plusieurs langues.

En 1938, il quitte le Parti Communiste suite à l’exécution de Boukharine, dont le procès inspirera, comme la Grande Purge en général, son roman Le zéro et l’infini, dénonciation sans complaisance du stalinisme et de l’horreur soviétique. Avant, pendant et après la guerre, Arthur Koestler connaîtra une vie mouvementée et riche intellectuellement, des camps d’internement français à la Légion étrangère jusqu’à la propagande anti-communiste anglaise durant la Guerre Froide. Il s’intéressera à la philosophie, à la parapsychologie ou aux origines du peuple juif et inspirera le fameux livre « Comment le peuple juif fut inventé » de Shlomo Sand par son ouvrage La Treizième Tribu. Un intérêt pour l’ethnologie qui explique peut-être sa participation au comité de patronage de Nouvelle Ecole, revue liée au GRECE et à la Nouvelle Droite. Militant pour l’euthanasie, Arthur Koestler s’est suicidé en 1983.

L’oeuvre : Dans son ouvrage autobiographique La lie de la Terre, Koestler raconte la défaite française face aux allemands et sa descente aux enfers progressive en tant que réfugié hongrois. Ne faisant aucune allusion à sa judaïté (l’auteur ne fut jamais pratiquant, même en surface), Arthur K. décrit ce qu’il considère comme une trahison des démocraties occidentales -et de la France en premier lieu- vis-à-vis des réfugiés politiques et plus globalement de la cause antifasciste. Selon lui, en présentant la guerre comme une guerre classique plutôt qu’idéologique, les élites françaises se sont séparées des masses populaires influencées par le communisme et naturellement antifascistes, quoique fortement désorientées par le pacte germano-soviétique. Il voit en cela la cause du manque d’enthousiasme à combattre l’ennemi, et même une acceptation implicite des idéaux nationaux-socialistes par une large part du personnel politique et administratif français. Mais plus que ses considérations politiques que nous ne partageons pas pour beaucoup, c’est le récit de ses tribulations et son témoignage d’une époque trouble qui suscitent l’intérêt du lecteur.

Emprisonné sans raison en tant que réfugié après des procédures kafkaennes, il décrit des conditions de détention au camp du Vernet qui n’ont rien à envier aux camps de concentration allemands de la même époque ; malnutrition, violences, humiliations, froid et hygiène déplorable. Paradoxe absolu ; la plupart des internés sont des réfugiés juifs ou antifascistes désireux de combattre l’Allemagne hitlérienne mais emprisonnés comme étant « suspects en période de guerre ». Une position qu’explique en partie le Pacte germano-soviétique. Libéré grâce à ses relations haut placées en France et en Angleterre, il s’engage à la Légion étrangère pour changer d’identité et échappe de peu à une deuxième arrestation arbitraire d’une administration désorganisée à la xénophobie étriquée et livrée à elle-même. 

Quoique les choix politiques de l’auteur soient diamétralement opposés aux nôtres, ce livre passionnant comporte des réflexions profondes sur les horreurs des totalitarismes, ainsi que des portraits saisissant des français de ce temps et une foule d’anecdotes significatives de la débâcle totale de la IIIème République, dotée d’une armée courageuse à laquelle elle n’avait su donner de chefs sérieux. Prompt à dénoncer régulièrement l’extrême-droite française tout au long de son ouvrage, le journaliste militant en oublie que la défaite et l’esprit de Munich ne sont pas l’oeuvre des militants nationalistes, germanophobes pour la grande majorité d’entre eux durant toute l’entre-deux guerres. Confondant fascisme et nazisme, il leur attribue un monopole de l’horreur que son histoire personnelle et sa dénonciation ultérieure du communisme viennent démontrer. Féroce envers le régime de Vichy dont il critique l’antisémitisme et une forme de ringardise, l’auteur n’en rejoindra pas moins la zone libre pour pouvoir s’enfuir vers l’Angleterre.