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Finir une nuit de garde, enchaîner sur une matinée militante. Réveiller les camarades du dernier quart, en voir d’autres arriver avec des croissants… Des jeunes qui n’auraient rien à voir pour la plupart les uns avec les autres, que les atavismes familiaux ou les préoccupations de la vie courante auraient séparés par des préjugés s’ils n’avaient été unis par la même volonté de servir un idéal commun. Ce matin-là ils se plaisantent sur leurs traits tirés plutôt que de se plaindre de la fatigue et ils vont aller passer un bout de matinée – malgré la chaleur, la fatigue ou les excès de la veille – à ramasser des déchets au bord de l’eau.

Bien-sûr, “camarade” (et ce que ça implique) cela fait sourire la plupart des gens.
“- Je n’en vois pas l’utilité, nous ne sommes pas du même milieu, j’ai autre chose à faire que de jouer à l’éboueur ou à Mère Thérésa”.

L’égoïste moyen comprend déjà mal ce que représente l’amitié et aurait plutôt tendance à s’en méfier, et il a de la famille une conception assez limitée, alors évidemment la camaraderie lui semble sinon une folie, au moins une débilité pour gens qui s’ennuient. Sauf que la camaraderie n’est pas une histoire d’affinité comme l’amitié, ni de hasard comme la famille. Et pourtant les camarades sont des espèces d’amis, et un groupe militant une sorte de famille. Mais ce ne sont ni les goûts personnels, ni les hasards de la nature qui créent la camaraderie ; c’est la volonté, c’est le don gratuit, la discipline librement consentie et l’épreuve traversée ensemble. En ceci la camaraderie transcende et la famille et l’amitié elles-mêmes, et si elle ne peut les remplacer, elle représente une des plus belles choses dans la vie. Elle a son lot d’échecs, d’inconvénients – de drames aussi parfois – mais par son origine comme par son but, elle est la quintessence de ce pourquoi la vie vaut la peine d’être vécue ; le combat.

Nous inspirant plus ou moins d’un illustre général aimant la bagarre et les voyages en Russie, nous mettions il y a peu sur un tract que “nous ne sommes pas sur terre pour jouir, manger et déféquer” ; peu de gens savent combien il est bon d’avoir des camarades pour éviter de sombrer dans ce triptyque vulgaire.

Alors ma foi, il est des camarades fatigants, parfois insupportables. Il en est dont les manières nous déplaisent ou les conversations nous ennuient, dont on ne cautionne pas tout et qu’on est lassé de défendre auprès de tout le monde. Mais il suffit de voir comme ceux qui se sont rangés ont plaisir à se retrouver “entre anciens camarades” pour évoquer “le bon vieux temps” pour mesurer combien ils ont souvent cessé de vivre depuis, malgré des situations professionnelles et familiales honorables.

Et là, même le camarade avec lequel on a le moins d’affinité nous donne envie de continuer le combat pour toujours, de répéter les tâches les plus humbles et les plus chiantes pour longtemps ; parce que c’est toujours mieux d’être un clampin aux yeux du monde qu’un “ancien” aux yeux des nôtres. Ou qu’un couard pour nous-mêmes. Et tant qu’il y aura des camarades, “poétiser le monde par notre action et nos sacrifices”, “faire Sécession”, “avoir le coeur chouan et l’esprit sudiste” ne seront pas des slogans pour faire beau, mais une réalité tangible, un rêve à portée de main.